Un billet pour compléter l’ingénierie système, qu’est-ce que c’est et pourquoi?. J’y avais évoqué la pensée système. Je vais ici vous en dire plus, mais synthétiquement quitte à vous donner envie d’en savoir davantage, sur la pensée système et son lien avec l’ingénierie système. Je suis un autodidacte de l’ingénierie système comme vous l’aurez compris et j’ai d’abord pris un contre sens avant de reprendre le sens de la marche. J’aimerais vous faire partager mon cheminement et ainsi vous faire profiter de ce raccourci. Je m’explique:

J’ai d’abord découvert cette méthodologie par nécessité de s’organiser dans les industries complexes, avant d’apprendre que c’était son nom: l’ingénierie système. Par la suite, en donnant des cours à Supaéro, j’ai pris le temps de me renseigner sur l’histoire de l’ingénierie système, j’ai appris qu’elle découlait de la pensée système (ou system thinking), elle-même évolution de la cybernétique et de la théorie des systèmes auto-régulés. J’ai redécouvert Edgar Morin et sa conception de la science de la complexité; et en visitant Wikipedia, j’ai appris que c’était Henri Laborit qui avait inventé ce terme. Merveilleuse redécouverte pour moi puisque Henri Laborit est également l’auteur de « L’éloge de la fuite », un livre que j’avais lu 5 ans auparavant, un livre parmi deux autres qui m’ont marqué à jamais (je vous le conseille chaudement). Donc, la boucle est bouclée, je comprends l’origine de ma discipline, sa source étant autant scientifique que philosophique.

Lorsque les sciences ont cherché à appréhender la complexité (qui va croissante, il va sans dire), elles se sont attachées à prendre de la hauteur. A quitter les guerres de clocher entre disciplines pour tenter de considérer le problème comme un tout. Qu’est-ce que la complexité?

La complexité

Voici la traduction d’Edgar Morin, grand sociologue et philosophe Français:

La complexité, un mot problème.
Le problème est que notre connaissance ne nous permet pas de l’apprivoiser. Le complexe surgit ainsi comme une difficulté et nous lance le défi de le cerner, de le comprendre.
C’est l’objet de la science de la complexité dont les maîtres mots sont modélisation et simulation

[…]

Les systèmes complexes sont tous les systèmes, la complexité est la règle, la simplicité l’exception

Traditionnellement, il existe deux courants de pensée opposés pour analyser les problèmes complexes:

  • le réductionnisme
  • le holisme

Le réductionnisme

C’est omettre les interdépendances, parier que les éléments environnants ne perturbent pas l’élément étudié.

reductionnisme

Pour ses détracteurs, le réductionnisme revient à mettre des œillères.

Le holisme

C’est la tendance dans la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l’évolution créatrice.

Le holisme se définit donc globalement par la pensée qui tend à expliquer un phénomène comme étant un ensemble indivisible, la simple somme de ses parties ne suffisant pas à le définir. De ce fait, la pensée holiste se trouve en opposition à la pensée réductionniste qui tend à expliquer un phénomène en le divisant en parties. (Source Wikipedia)

holisme

Pour ses détracteurs, le holisme mollit les détails.

La pensée système

La pensée système (ou system thinking) est une science d’équilibriste entre holisme et réductionnisme.

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  • « Je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus de connaître le tout sans connaître les parties… » – Blaise Pascal
  • « La pensée complexe n’est ni holiste, ni réductionniste : « (…) il ne s’agit pas d’opposer un holisme global en creux au réductionnisme mutilant ; il s’agit de rattacher les parties à la totalité » – Edgar Morin

Voilà qui résume efficacement ce qu’est la pensée système.

System thinker – Un « savoir-être », un nouveau « savoir-penser »

Les system thinker, sont des profils appréciés et qui reviennent régulièrement comme une compétence clé pour les entreprises.

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Deux slides extraites de mon cours et qui définissent le system thinker.system thinker2

Il me tient à cœur de souligner que le system thinker, de par sa capacité à appréhender la complexité du monde pourrait avoir une visée citoyenne. Une meilleure compréhension du système énergétique mondial, du système écologique, du système de lobbying ou encore du système financier pourraient favoriser l’émergence de nouveaux courants de pensée ou de nouveaux modes d’action. Et que dire si davantage de politiques planifiaient les réformes de notre pays en établissant leurs diagnostiques sur de telles approches…

L’ingénierie système – courant de pensée complexe appliqué à l’industrie

L’ingénierie système est une pensée système spécialisée pour l’industrie. Elle apporte à l’industrie un cadre contractuel à la pensée système pour développer ses systèmes complexes. La pensée système est souvent une approche analytique. L’ingénierie système va compléter cette analyse par une spécification contractuelle du besoin et une validation du système en regard du besoin spécifié.

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Vous l’avez donc compris, l’ingénierie système est une science qui vise à gérer la complexité. Une science qui trouve son origine dans l’analyse des systèmes complexes sociologiques, biologiques, physiques, etc. mais qui fournit un cadre spécialisé et contractuel à l’industrie. N’hésitez pas à nous faire partager vos réflexions ou vos souhaits d’orientation de nos billets.

A suivre…

Posted by Matthieu Aubron

System Thinker for complex industrial projects Consultant en ingénierie système et plus globalement en organisationnel pour l'industrie.

5 Comments

  1. Bel exercice de synthèse et de vulgarisation!

    La complexité des systèmes à concevoir désormais exige la collaboration de multiples disciplines impliquant des « vues » multiples. Les propriétés émergentes des systèmes complexes qui résultent des interactions ne peuvent être appréhendées par les analyses simplistes (une cause -> un effet); elles exigent la mise en œuvre de méthodes et d’outils adaptés à la prise en compte globale, holistique, du sujet étudié dépassant les relations linéaires indépendantes.

    J’ai acquis récemment l’ouvrage de Ludwig Von Bertalanffy « Théorie
    Générale des Systèmes » de 1968, traduite en français (version revue publiée chez Dunod en 1980), il donne cette définition « Un système peut être défini comme un complexe d’éléments en interaction ».

    Le PLM lab s’est engagé dans une action avec l’ AFIS (Association Française d’Ingénierie Système) pour éclairer l’articulation entre IS et PLM. La conférence « Back to Basics » du 15 juin 2015 lui sera consacrée.

    1. Aubron Matthieu décembre 31, 2015 at 08:22

      Bonjour Monsieur Urban-Galindo,

      Merci pour votre commentaire qui complète mon post. En effet difficile exercice que de synthétiser un tel sujet. J’espère que cela donnera à nos lecteurs l’envie d’en savoir davantage.

      Concernant les différentes vues et la mise en oeuvre de méthodes et outils adaptés, je vous ferai dans un futur proche une démonstration sur le Design Structure Matrix dans le contexte des systèmes complexes. Je pense que ce billet aura un bon accueil vu les possibilités de cet outil.

      J’imagine que le back to basics sera au 15 juin 2016 et non 2015.

      Salutations,

      1. Oui c’est, bien sûr, 15 juin 2016 qu’il faut « lire ».

        Malgré le soin que l’on peut mettre à la vérification de ce que l’on écrit –et que l’on diffuse- il peut rester des « petites »
        erreurs dans ce qui est « enregistré ». Vous noterez que le cerveau est capable de détecter et « corriger » spontanément certaines de ces imperfections, contradictions, ce que des «programmes» ou «algorithmes»
        ne sont pas près de réaliser.

        C’est pourquoi je suis depuis longtemps convaincu qu’il est impossible (très très très peu probable) de définir parfaitement un « système » réel à partir d’un certain seuil de complexité. Une sorte de généralisation du principe d’incertitude d’Heisenberg.

        En ce début 2016 on pourrait reparler de la modestie que cette réflexion induit …

        1. Joseph Aracic janvier 4, 2016 at 09:58

          « Le mieux est l’ennemi du bien », « Au detriment d’être juste, soyons clair », …
          Il existe ainsi pléthores de dictons et autres phrases qui tendraient à corroborer ce que vous dites et aussi en ce qui me concerne de l’importance d’intégrer cette pensée système systématique dans notre action professionnelle (et même personnelle).
          Il est bon que ton cours Matthieu aborde cela et il est regrettable que cette pensée système ne soit plus enseignée dans les filières scientifiques (mais ça semble bouger…).
          By the way, Grand homme qu’Edgar MORIN, et d’ailleurs je viens de me lancer dans la re-lecture se sa « Methode » (J’ai pris je crois une dizaine d’année à le lire une première fois de manière sporadique en me laissant imprégner à chaque lecture, c’est vous dire l’entreprise/l’importance que relève cette nouvelle lecture pour moi, de la page 1 à 2421 ! et dans l’ordre cette fois 😉 )
          Pour ceux qui ne connaissent pas je vous recommande son petit livre « Introduction à la pensée complexe » avant de vous décider à en connaitre plus.

  2. […] Vous vous rappelez peut être du poste sur le « système thinking »: « Complexité », à ne pas confondre avec le compliqué. […]

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